anderson & avery

Il fait noir, et j’aime bien le noir, parce que ça arrive à me calmer. Comme quand j’écoute de la musique. Tout ça, c’est vital à ma survie, sans compter ma bande, Jaelyn et son imbécile de frère… parce que même s’il me fait mal, mon cœur bat toujours quand je le vois. Évidemment, nos habitudes sont différentes, et on se dispute quand on se voit, sinon je l’évite. Je l’évite parce que j’ai peur, j’ai peur de me rendre compte que je le veux plus autant qu’avant, et j’veux pas me retourner vers Sidney. Il a Tabitha pour l’amour de Dieu, alors pourquoi est-ce que ça me rentre pas dans le crane ? J’arrive pas à m’en détacher… Surtout parce que j’ai peur que si j’tente d’arrêter d’y penser, ça me revienne au visage chaque fois que j’dois y faire face. Merde… Recommencer une vie dans un autre pays ne fixe jamais rien. Partout où on va, les problèmes finiront quand même par nous rattraper, parce qu’il y a toujours une gaffe qu’on fait qui va nous faire réaliser qu’on a jamais vraiment réglé le problème en tant que tel. Tout ce qui me reste à faire maintenant, c’est de sortir pour prendre de l’air, parce que j’ai chaud et que j’étouffe. La Jamaïque est un pays magnifique de ce que j’en ai vu, et j’ai réussi à mémoriser quelques rares endroits où j’pourrais éventuellement aller pour être seule et réfléchir. Mais réfléchir à quoi ? J’en ai tellement marre de réfléchir, parce qu’à chaque fois j’arrive toujours au même résultat et je vois pas de solution. M’enfin, j’passe ma main dans mes cheveux et je soupire. J’enfile un jean et une veste, prends un drap que j’peux poser parterre. Je sais où aller, et par chance j’me souviens encore du chemin. Au pire, j’demanderai aux Jamaïcains que j’croiserai sur la route…

J’suis dehors et j’marche lentement, croisant des couples qui se tiennent la main et d’autres qui les regardent avec le même regard que moi. Ça fait ‘du bien’ de savoir que j’suis pas la seule personne à commencer à être un peu… pas dégoûtée, mais déboussolée à côté de tout ça. Ça me déchire de jour en jour de m’éloigner de l’homme que j’aime, et le vide s’approfondit quand je réalise que l’autre homme que j’aime ne m’aimera jamais comme moi je l’aime. C’est quoi mon problème à la fin ? J’attire la merde et j’arrive pas à m’en sortir. Normalement, j’aurais été traîner chez les White, pour tenter d’obtenir quelques conseils, mais j’sais que Sid et Tabbie y seront s’ils sont pas dehors. Arty va m’harceler pour des trucs auxquels j’veux pas répondre, et il reste Andy, mon confident. Andy, c’est le plus posé de nous tous… même si j’avoue que ces temps-ci j’suis pire que lui. J’essaie de passer le plus inaperçu possible, mais quand on sort j’consomme jusqu’à temps que j’oublie comment j’me sois rendue là. J’arrive enfin à l’endroit convoité, j’étends mon drap parterre et regarde les étoiles. J’suis seule, tellement seule… même Jaelyn peut pas comprendre, enfin, pas tout à fait. C’est dur, et ça fait mal…

Quelle heure est-il ? Suis-je en vie ? Quel est ce corps tout mou à mes côtés ? Je crois que je vais vomir. Me levant en trombe, je déboule dans la salle de bain pour tout lâcher dans mes toilettes, à genoux. Quelle charmante façon de commencer (un post) la journée... Je me vide complètement les tripes, me sentant aussi nauséeux qu'une femme enceinte. Je me tiens le ventre et je geins, me heurtant comme un malheureux contre tous les murs de l'appartement jusqu'à atteindre la cuisine, où je me brosse les dents au-dessus de l'évier.
Wah, la gueule de bois. Te voilà, vil caca. Je me sens barbouillé et bois presque un litre d'eau fraîche, au risque de passer tout mon temps dans la salle de bain - je m'y suis réveillé, je peux bien y rester. Seulement, non. Il faut d'abord que je jacte la femme nue et percée de partout de mon matelas défoncé. Je réfléchis à une technique pour faire tout cela en douceur, en buvant mon eau par grande goulée. Puis ressors de la cuisine, la vessie pleine à craquer. J'allume la chaîne hifi et mets Eminem à fond, histoire de réveiller tout le beau voisinage. Ils n'ont rien contre le grand rappeur blanc, je suppose. Tout le monde aime ce qu'il raconte, ce grand Dieu ! J'essaie de chanter aussi vite que lui, alors que je traîne des pattes jusqu'à ma chambre.

- Wesh princesse.

Voilà le genre de propos qui me laissent en mode 'lolilol' mais mon sourire le cache. Princesse. Et puis quoi encore ?! Mon cul, est-ce que Cendrillon est une punk grunge trouée entre les deux sourcils ? Elle aurait sans doute eu plus de charme et n'aurait pas peut-être pas perdu sa chaussure, vu que ç'aurait été une botte noire en cuir. Enfin, quoiqu'il en soit, il faut qu'elle disparaisse de mes draps. Elle émerge lentement. Ca va, je te gêne pas trop ? Ne la brusquons pas... Elle bâille. Bon début. J'attends, les bras croisés. Elle finira bien par comprendre qu'elle me fait chier. Comment s'appelle-t-elle déjà ? Merde...

- Bon, c'est pas que j'te kiffe pas hein... Y a des pilules dans le frigo s'tu veux, et un joint sous le matelas... C'est tout c'que j'peux faire pour que tu récupères de notre (voix aiguë) fôôôlle noche ! Par contre, j'dois y aller. Tcho.

Il doit être pas loin de dix-sept heures, ou plus tard, je ne sais pas. J'ai dormi toute la journée, je crois. Cette fille m'a épuisé, mine de rien, malgré son incapacité chronique à se lever - je me dis que je l'ai achevé moi aussi, cela flatte considérablement mon pauvre égo qui pue le mégot. Pour les rimes foireuses, je repasserai...
Direction le fleuve Hope, hop. J'ai chopé ma guitare, ma beuh, mes cigarettes, mon feu, une bouteille de vodka. Fin prêt. J'ai la drôle d'impression que j'y retrouverai un visage familier qui aura besoin de toutes mes précieuses munitons. Je préviens Sidney par SMS qu'une punkie blonde fainéante squatte l'appartement mais qu'elle est normalement réglo, non sans oublier de lui lâcher une blague méga drôle. Et une fois que j'arrive au fleuve, je repère tout de suite Avery, de dos. Mon ventre s'écroule de joie, et mon coeur bat plus vite. Je kiffe la voir. Je lui assène un très léger coup de genou dans l'épaule avant de m'asseoir à ses côtés et de lui poser la bouteille d'alcool sur les cuisses. Grand sourire. Chaude voix de crooneur :

- Hey sweetie.

Et dire que j’croyais me retrouver seule encore une fois. C’est pas la compagnie d’Andy qui va me déranger. J’crois bien que ce soit le seul mec que j’aie rencontré dans ma vie qui puisse se permettre de me faire la morale même s’il est pas très droit. Il est moins pire que moi, plus de modération, et foutrement canon. Mais ça, c’est qu’un détail… Et dire qu’il y a trois ans, on se rencontrait, on couchait ensemble avant que je disparaisse de sa vie jusqu’à ce que je le retrouve, avec une bande en supplément. Quand j’y pense, j’me dis que je sais pas ce que serait ma vie s’ils en faisaient pas partie… J’veux bien admettre que j’suis une grande solitaire, mais de là à traîner seule tout le temps, ça aurait fini par me gonfler. Quand j’habitais encore chez mes parents, je faisais tout pour rester seule parce que j’avais aucunement envie de partager mes soucis avec les autres. Pas de pitié des autres et surtout pas d’histoires qui circulent à mon sujet. J’dois avouer qu’Andy m’a déboussolé à cette fête, et pourtant j’sais même pas quel effet je lui ai fait. Enfin, c’est dans le passé maintenant, et aujourd’hui j’dois me concentrer sur le présent, c’est aussi simple que ça. Andy me donne un léger coup de genou sur l’épaule puis se pose à côté de moi en déposant une bouteille de vodka sur mes cuisses. J’vois qu’il a pensé à tout, contrairement à moi. La vodka, c’est un peu notre alcool de perdition à Midnight Whirlwind. J’prends la bouteille et la regarde, elle est pas encore ouverte, parfait. Pas besoin de verres, on est pas tant fancy et on préfère largement boire directement, ça enlève rien du tout au frisson qu’on ressent une fois que le liquide passe dans notre œsophage et qu’il nous monte direct à la tête, sans oublier de nous donner une brûlure d’estomac à laquelle on se fait après une ou deux minutes. « Hey lover… » J’me penche vers lui et dépose un baiser sur sa joue, entourant ses épaules de mes bras. J’adore Andy, je sais pas quels mots utiliser pour signifier ce qu’il représente à mes yeux. Peut-être le frère que j’aurais voulu avoir, mais si c’était mon frère et que Sid était son cousin ce serait mon cousin et donc… Putain, j’réfléchis vraiment à n’importe quoi. J’me décolle d’Andy, le laissant respirer un peu et ferme les yeux pour enlever ces idées sordides de mon crane.

« Comment s’passe ton début de soirée ? » Pour moi, début de soirée c’est quand l’heure tape 20. Avant ça, c’est encore l’après-midi, et puis j’suis tellement décalée aussi, qu’est-ce qu’on s’en tape… C’est drôle, j’me rends compte que j’ai pas une clope accrochée à mes lèvres, alors j’en sors une de mon paquet et en offre une à Andy. Il la prend et la pince entre ses lèvres. Je les allume une après l’autre et j’ferme les yeux en prenant ma première bouffée. Mon père croit que j’suis encore une âme puritaine, il se trompe complètement… D’ailleurs, il doit sûrement être entrain de paniquer en se demandant où j’suis passée. « Le mien est merdique… » que j’souffle entre deux exhalations. J’débouche lentement la bouteille de vodka et des gouttelettes se ruent sur mon jean. « Fuck ! » J’prends un bout du drap que j’ai emmené pour m’essuyer. « M’enfin… En quel honneur la guitare ? T’as composé une nouvelle chanson et j’vais être ta cobaye ? » Ça ne me dérangerait pas le moins du monde. J’peux pas dire qu’Andy soit mauvais que ce soit en musique, en chant, en composition de chansons. Il a tellement de talent, et parfois j’ai l’impression qu’il se sous-estime. Ça me pousse à lui demander ce qu’il pense de ce qu’il fait et à lui faire réaliser à quel point il devrait prendre conscience de tout ça. J’crois mes jambes et attends une réponse de mon ami, toujours en pompant sur ma clope presque jusqu’à m’en étouffer. J’aurais voulu du shit en ce moment-même, ça l’aurait trop fait. Se défoncer en regardant la lune c’est foutrement bien. Si j’en avais l’occasion, j’crois même que j’en utiliserais juste avant de m’envoyer en l’air, mais ça risque pas d’arriver de si tôt… pas dans ma situation en tout cas.