Bonnie & Clyde

Encore un soleil de plomb, une chaleur collante, Clyde soupirait alors qu'il était assis sur la plage. Les journées, il se demandait à force comment il pouvait les passer. Evidemment, hors de question de rester avec Bonnie à cocooner. Déjà, ce n'était pas son truc, de deux, ils commençaient à vouloir se tuer l'un et l'autre. Ce n'était pas de l'amour entre eux, c'était juste une passion destructrice. Clyde aimait cette tension qu'il y avait entre lui et sa fiancée, fiancée venant d'un simple chantage. Je te quitte si tu m'épouses pas... Comique. Elle croyait vraiment qu'elle arriverait à se défaire de ses filets du jour au lendemain? Oh non, il en était hors de question. Elle lui appartenait, c'était ce qui se disait tout les jours, de toute manière elle n'avait pas le cran de claquer la porte, puisqu'elle se doutait bien que le jeune homme ne la laisserait pas faire. Puis de toute façon où irait-elle? Ils étaient en Jamaïque et non au Texas pour le moment. Un séjour, tu parles. Clyde sentait son tee shirt lui coller sur la peau par cette chaleur, il était en plein soleil et il regardait les vagues venir et partir, en fumant une cigarette. Des gens bronzaient, d'autres se baignaient, et des enfants jouaient à faire des châteaux de sable, pathétique.

Il était presque dix-sept heures, il faudrait qu'il pense à se diriger vers son appartement pour se doucher, se changer et aller en direction d'un énième bar. C'était ça, son rituel, tout les soirs il passait son temps à draguer de jeunes demoiselles venus noyer leurs déboires amoureux. Clyde arrivait facilement à se les mettre dans la poche. Une ou deux paroles douces, quelques verres et il allait facilement chez elle. Faut dire, il ne pouvait pas les ramener à l'appartement, y'avait Bonnie... Clyde se demandait si c'était une bonne chose qu'ils habitent ensemble à près tout. D'un côte oui, il pouvait avoir un œil sur elle facilement, aucun garçon ne devait l'approcher. D'un autre côté, elle l'empêchait de ramener des filles, mais cela pouvait être bien aussi, puisqu'ainsi pas la peine de les virer... Se levant de la plage, Clyde marchait sur le sable fin, lunettes de soleil sur les yeux et cigarette entre les lèvres. Bonnie ne devrait pas être à l'appartement, sans doute échapperait-il pour une fois aux disputes excessives qui par moment finissaient au lit... Il quittait la plage, marchait dans les rues bondées de touristes et pris la direction de l'appartement qu'ils louaient. Après avoir saluer quelques jolies filles qui passaient de ci et de là, Clyde arriva à son appartement.

Poussant la porte de l'immeuble, gravissant les quelques marches pour atteindre le deuxième étage, il inséra ses clés, mais compris rapidement que quelqu'un était déjà là et ce quelqu'un ne pouvait qu'une et même personne. Bonnie... Ou plutôt Winona de son premier prénom, mais ça, Clyde s'en foutait. Il resta un instant silencieux devant la porte, puis se décida de rentrer quand même pour faire ce qu'il devait faire à savoir une douche et se changer. En entrant, Clyde ne pipa pas un mot, il vit sa fiancée assise sur le canapé, et c'était tout. Il avait besoin d'une bière et d'une autre cigarette – entre temps il avait fini la précédente – ainsi, il prit la direction de la cuisine. En ouvrant le frigo il découvrit quelque chose qu'il n'avait jamais encore auparavant vu, et encore pire, pas de bières... Il avait beau farfouillé, et il ne trouvait pas un soupçon de boisson alcoolisé, l'horreur suprême. Sa clope en bouche, il prit avec stupéfaction ce qu'il venait de découvrir. Lait de soja. Mon dieu, c'était quoi cette connerie? Fermant le frigo, il retourna dans le salon, en voyant Bonnie qui était de dos. Il n'avait pas le droit de fumer, par un dernier caprice de sa fiancée, mais là, non, plus de bières c'était horrible.

« C'est quoi ton caprice là? Elles sont où mes bières?! Et ne me dit pas que tu n'en as pas acheté! » Il la regardait en tenant la bouteille qui lui donnait déjà envie de vomir, qui pouvait boire un truc pareil? Il retira sa cigarette de ses lèvres pour souffler un peu de nicotine.

Pourquoi l’avait-elle suivi ? Là était la question. Elle passait plus de temps enfermée dans leur appartement de location que dehors avec lui. De toute façon, ils ne se supportaient jamais plus d’une minute. Et puis, elle crevait de chaud. Elle avait toujours détesté la chaleur, déjà au Texas, elle restait cloîtrée chez elle toute la journée pour conserver son teint de pêche. Elle ne sortait que le soir, et sans son fiancé. Bien sûr, celui-ci n’était absolument pas au courant, et c’était impératif que ses vadrouilles nocturnes demeurent secrètes. A l’évidence, Clyde la pensait toujours bien sagement à la maison l’attendant, prête à piquer sa crise dès son retour. C’était le cas, certes, mais ce qu’il ignorait, c’est qu’elle revenait généralement une petite heure avant lui. Elle allait danser, chanter dans les karaokés, elle faisait la conne et elle ne s’était jamais autant amusée depuis qu’elle était avec Clyde. Les absences incessantes de ce dernier l’arrangeaient bien, au fond, même si c’était lui et lui seul qu’elle voulait, et qu’elle se reprochait cette foutue dépendance. Il n’avait rien, rien pour lui et rien pour elle. Elle se disait tout le temps qu’elle devait partir, le plaquer pour de bon. Les menaces ne fonctionnaient guère avec lui, alors pourquoi n’essaierait-elle pas quelque chose de plus convaincant ? Enfin. Elle imaginait aussi très bien la réaction de son futur mari. Il ne la laisserait pas s’en aller, elle en était malheureusement persuadée. Pourquoi ? Pourquoi ne s’en ficherait-il pas ? Il se foutait tellement d’elle, après tout. Elle faisait partie du décor, elle faisait les courses, les lessives, c’était à ça qu’elle servait, non ? A croire qu’il ne pouvait pas vivre sans sa Bonnie-che.

D’ailleurs, alors qu’elle était plantée devant un documentaire qui retraçait l’histoire de la télévision, elle se demanda si elle n’avait pas promis d’aller au marché aujourd’hui. Ah oui, sûrement pour acheter des bières et autres addictions débiles de Clyde. Bon, bah… Tant pis. Il n’avait qu’à y aller tout seul comme un grand, elle commençait à en avoir par-dessus la tête de devoir toujours faire tout à sa place. Clyde se la jouait macho, du genre la femme aux fourneaux et le mec devant son match de sport à la con. Elle ne ferait plus rien, voilà. Et puis s’il avait soif, il n’aurait qu’à boire du lait de soja, il lui semblait que la brique était encore pleine. Elle espéra vaguement qu’il soit périmé pour que son fiancé chéri ait quelques problèmes digestifs pendant la soirée. Elle le voyait déjà dans son bar sombre à draguer les filles quand… Elle ricana en changeant de chaîne. Elle tomba sur Aliens, film qu’elle trouvait absolument merveilleux.

Son bonheur fut pourtant de courte durée, parce que voilà, l’autre imbécile avait décidé de rentrer tôt aujourd’hui. Elle ne prononça pas un mot lorsqu’il passa derrière elle. Lui non plus ne l’avait pas saluée, alors pourquoi le ferait-elle ? Entre eux, il y avait toujours un calme plat, un silence lourd et pesant, qui annonçait, évidemment, à tous les coups, la tempête du siècle. Elle suivit ses mouvements d’une oreille : il se dirigeait vers le frigo, cet alcoolo. Elle l’entendit fouiller, bouger tous les aliments, les bocaux qui s’y entassaient, il foutait le bordel comme d’habitude, quoi. Elle pouffa, car elle savait ce qu’il cherchait et qu’il ne trouverait jamais ces bouteilles en question. Puis il revint vers elle, et elle se raidit, faisant mine de se concentrer sur un bébé Alien déchirant le ventre d’une femme de l’intérieur. Cette vision ne lui inspira pas un seul frisson d’horreur, elle avait toujours adoré les trucs bien gores. Bien sûr, elle sentait déjà l’odeur du tabac qui venait lui piquer ses narines. Elle était quasiment allergique à cette substance, mais Clyde continuait dans son délire de suicide à long terme. Monsieur l’ouvrit enfin, pour se plaindre de l’absence de bières dans le frigidaire.

« Mmh, je me suis dit que j’avais le temps, vu que d’habitude tu ne rentres pas avant trois-quatre heures du matin. Mais bon, vu que tu es là, tu peux aller te les acheter toi-même, c’est lourd pour une femme fragile comme moi de porter dix packs de bière pour que monsieur soit content. »

La tempête s'annonçait. A peine Clyde avait-il mis un pied dans l'appartement qu'il louait avec sa fiancée, qu'un orage se préparait. La raison était tout simplement stupide et infantile, un manque de bière. Clyde avait beau fouillé dans tout les recoins du frigo, un pot de confiture failli même lui échapper des mains pour voler en éclats sur le carrelage blanc de la cuisine, il ne trouvait pas une bière, pas l'ombre d'une petite bouteille d'alcool, rien. Rien? A part peut-être une bouteille de lait de soja. Bonnie et sa nourriture bio commençait à lui taper sur le système. C'est en refermant le frigo d'un coup, faisant limite trembler le pot de fleurs qui était au dessus, que Clyde prit la direction du salon pour parler à sa chère et tendre... Avec le lait de soja en main, il n'arrivait pas à croire qu'il tenait cette horreur entre ses doigts alors que sa cigarette se consumait toujours entre ses lèvres. Quelques pas, il prit place derrière le canapé, jetant rapidement un coup d'œil au film que Bonnie regardait. Beurk. Ecoeurant. Horrible. Dégoutant. Il ne trouvait pas le mot qui pouvait bien s'accorder avec ce qu'il pensait. Tout ce qu'il fit, c'est attiré l'attention de sa fiancée, sur le fait qu'il n'y avait plus de bière dans le frigo pour le rafraichir.

Sa réponse, il ne s'y attendait pas, ou du moins, si un petit peu. Depuis quelques temps, elle ne faisait plus ce qu'il lui disait et cela le surprenait de plus en plus, et l'exaspérait en même temps. Elle était à lui. Ca cela ne changerait pas, la preuve quand elle lui avait fait du chantage entre mariage et rupture, il avait choisi l'option qu'il croyait ne jamais faire de sa vie. A savoir, mettre un genou à terre, tendre un écrin bleu nuit contenant une bague de fiançailles – coûtant la peau des fesses – pour garder sa très chère Bonnie près de lui. Il aimait son parfum qui enivrait ses sens, il aimait caresser la peau de sa fiancée, mais il ne l'aimait pas tout simplement. Si un jour, les mots je t'aime franchiraient ses lèvres, ce serait qu'il soit très malade, en proie de fièvre mortelle. Jamais, il ne pourrait jamais lui dire je t'aime. Puis de toute manière, aimer qu'était-ce? Un sentiment débile qui ne servait qu'à faire souffrir enfin de compte. Toujours le regard fixé sur elle, Clyde tenait la petite bouteille de lait de soja entre ses doigts, et contemplait Bonnie qui voulait faire la maligne. D'un geste, plus qu'énervant, le jeune homme, enleva sa cigarette pour souffler au visage de sa fiancée une bouffée de nicotine. Elle en avait horreur, il le savait, il adorait la mettre à bout de nerfs.

« Une jeune femme fragile? Tu joues dans le pathétique maintenant chérie? » Fit-il en sifflant chacun de ses mots en la regardant au plus profond de ses pupilles. « Depuis quand tu es fragile? C'est nouveau ça. Puis si tu es si fragile, refais-toi une santé en allant te promener dehors, car vu le poids que tu as pris, bientôt tu ne pourras plus te lever de ton canapé. » Il contourna le canapé pour poser le lait de soja sur la petite table du salon en fasse de sa fiancée.

Le silence s'installa de nouveau entre eux comme toujours, remettant sa cigarette entre ses lèvres, Clyde jeta un coup d'oeil rapide sur le poste de télévision, la scène était des plus vomissante, comment pouvait-elle regarder un film pareil? Passant une main dans ses cheveux, il se dirigea vers la fenêtre du salon pour aller respirer un peu d'air extérieur.

« Ce genre de film ne te rends pas mignonne, loin de là. » Fit-il quelques instants. « Encore faudrait-il que tu l'ai été un jour. »

De derrière elle, Clyde ne pouvait le voir, mais la scène atrocement infecte dessinait un large sourire sur les lèvres de Winona. C’était presque compulsif chez elle, le gore la rassurait complètement. C’était plutôt étrange, pourtant, et ce depuis son enfance, rien ne la rassurait plus que du sang giclant dans tous les sens, des monstres visqueux ou le doux ronronnement d’une tronçonneuse. Cela avait été le moyen d’évasion absolu face à la mort de son père. Ça l’était une fois de plus devant les attaques constantes de son fiancé à son égard. Les problèmes disparaissaient de sa tête dès que Clyde se faisait bouffer par un requin géant ou découper en morceaux par un psychopathe. Oh, bien sûr, ce n’était que mental, mais ça faisait du bien quand même. Il lui souffla la fumée de sa cigarette au visage et Winnie se contenta d’agiter la main d’un geste exaspéré en soupirant. Elle l’écoutait à peine, absorbée dans la contemplation de l’Alien qui se jetait au visage d’une blondasse ridicule hurlant à la mort. Eh oui, chérie, tu es défigurée. Elle retint un rire sadique tandis que Clyde lui affirmait, les yeux dans les yeux, qu’elle avait pris quelques kilos. Elle revint vite à la télévision avant de lui en foutre une. Elle était bien plus maigre qu’elle ne devait l’être déjà, alors pourquoi ferait-elle de l’exercice ? Pour se choper des coups de soleil ? De toute manière, même si elle avait grossi, elle n’aurait pas fait ce plaisir à son futur mari. Pourquoi s’entretenir pour un type qui vous regardait que lorsqu’il avait envie de jouer avec vous ? Elle laissait cette tâche à ses poufiasses.

« Ce n’est pas en me parlant comme cela que j’irais chercher tes bières, mon chou. » lâcha-t-elle sur un ton de défi.

Il posa le lait de soja sur la table et Winona leva les yeux au ciel. Il fallait toujours qu’il dérange tout. Elle pariait volontiers que c’était elle qui devrait remettre la bouteille au frigo. Oooh, le pauvre chéri ! Il avait la nausée pour un film aussi adorable. Elle émit un ricanement à sa remarque. Nan mais observez-le, cette chochotte ! Pouvait-elle décemment se marier avec ça ? Pas question qu’elle se débarrasse de sa collection de films d’épouvante pour lui. Il pouvait toujours rêver pour qu’elle aille faire les courses, elle en avait marre de devoir s’occuper de tout dans leur habitation provisoire. On était plus au dix-neuvième siècle, bon sang ! Les femmes avaient le droit de vote et les hommes étaient capables de cuisiner correctement et même de repasser des chemises. Oui, dès qu’il était là, elle regrettait amèrement de l’avoir poussé à la demander en mariage. Elle se serait mille fois mieux portée sans lui, tranquille, seule dans son appartement londonien à traduire des films russes et français.

« Une vraaaie petite princesse… Tu veux un coussin pour ne pas voir ? En plus ça me dispensera de devoir supporter ta face de rat. » s’esclaffa-t-elle, ignorant ses paroles, lui envoyant un des coussins qui garnissaient le canapé dans le dos.

Attrapant la télécommande, elle augmenta le son du poste pour bien entendre les couinements étouffés de la blonde et les chuintements répugnants de la mignonne petite chose. Ce qu’elle préférait plus que tout ces derniers temps ? Emmerder son fiancé. C’était devenu une habitude, mais ça empirait de jour en jour. Au début de leur relation, elle se laissait faire sans jamais se défendre ou même protester tout simplement. Maintenant, elle devenait de plus en plus mauvaise et, sérieusement, les réactions de Clyde l’enchantaient. Faire la guéguerre avec lui à présent lui semblait normal. Et pour cause : c’était une des rares tactiques qui réussissaient à capter son attention. Et elle en jubilerait, jusqu’à ce qu’il parte à nouveau en vadrouille, ce qui n’allait probablement pas tarder. Du coup, elle en profitait au maximum, essayant de lui résister le plus longtemps qu’elle pouvait endurer.

Clyde ne savait pas comment réagir. Devait-il lui dire franchement entre quatre yeux et violemment ce qu'il pensait de son comportement où devait-il faire comme si ne rien n'était et regarder les quelques nuages qui ornait le ciel bleu de Jamaïque? Il optait facilement pour la deuxième solution, afin de ne pas éveiller les soupçons des voisins. Il avait soif. Très soif. La chaleur l'énervait, encore plus que Bonnie qui n'arrêtait pas de jouer avec le feu en lui lançant de plus en plus de pics. Il était hors de question qu'il avale une gorgée du lait de soja, rien que le nom du liquide il en avait des haut-le-coeur, et voulait tout simplement jeter la brique par la fenêtre. Bonnie s'amusait. Tant mieux, tant mieux, si cela lui faisait plaisir après tout. Clyde se demandait au fur et à mesure du temps ce qui lui avait pris pour la demander en mariage. Ah oui c'est vrai, ne pas la laisser s'enfuir. C'était une proie bien trop précieuse à ses yeux. Ainsi, il attendait quelques minutes après la fin de sa phrase pour lui répondre. Un sourire dessiné sur les lèvres, il se retourna, s'appuyant contre la fenêtre pour la regarder. Le jeune homme avait toujours sa cigarette entre les lèvres et s'amusait à souffler des fumées de nicotine rien que pour gêner sa compagne.

« Tu préférerais qu'une jolie fille m'en offre une et que je la remercie en couchant avec elle? » Commença-t-il avant de s'approcher de sa fiancée et de tendre la bouche au creux de son oreille. « Ou alors tu préférerais aller acheter mes bières et avoir toi, cette récompense que tu désires tant? »

Clyde détestait ce genre de film, enfaite il ne trouvait même pas ça drôle le sang qui gicle partout. Il trouvait cela plus que détestable, et se demandait comme sa fiancée pouvait regarder cela en rigolant comme une psychopathe. Peut-elle en était-elle une après tout, cela expliquerait qu'elle reste enfermée dans l'appartement. Si cela se trouve, elle lui préparait même un sale coup. Non, elle n'oserait pas, de toute façon qu'adviendrait-elle s'il n'était plus là? Il sourit légèrement, alors qu'elle essayait tant bien que mal de lui faire du mal moralement, mais rien n'atteignait ses sentiments, bien au contraire il trouvait cela amusant. Sourire aux lèvres, il passa sa main dans ses cheveux avant de rire légèrement.

« Oh tu m'as touché en plein cœur. » Déclara-t-il en mettant ses mains sur sa poitrine avant de les enlever en éclatant de rire. « Tu crois sérieux qu'un peu de sang me fout la frousse? C'est mal me juger. Je trouve juste pas ça mignon qu'une fille regarde ce genre de film, et avec ton rire tu fais psychopathe. Après tu t'étonnes que je ne veux pas trainer en ta compagnie. »

Clyde posa ses lunettes de soleil qu'il avait positionné sur sa tête pour les tenir un instant. Par la suite il se laissa tomber sur le canapé à côté de sa fiancée, attrapant en même temps la télécommande avant d'éteindre la télévision. Il entendit bien entendu Bonnie se plaindre, il en avait rien à faire. Il s'approcha d'elle, avant de poser ses lèvres au creux du cou de la jeune femme et de remonter vers son oreille de nouveau.

« Tu ne veux pas plutôt faire des choses, plus...adulte? »

Elle lui jeta un coup d’œil perplexe lorsqu’il lui expliqua cette histoire de filles et de bières. Elle le repoussa instantanément, la main sur son thorax, quand il lui chuchota à l’oreille. Quelle importance ? Qu’il y ait des bières ou non, il allait tout de même coucher ailleurs. Alors pour si peu, elle s’en foutait royalement. Du moins, elle fit mine que ça ne l’atteignait pas. Mais elle et lui ne le savaient que trop bien, elle était sensible et chaque parole de Clyde la touchait en plein cœur. C’était fou ce don qu’il avait pour l’énerver direct. D’un naturel pourtant très doux et calme, l’unique présence de son futur mari la rendait violente et arrogante. Elle ne comptait plus le nombre de baffes qu’il s’était pris sans que ça ne l’ait découragé. C’était toujours pareil, et elle n’en pouvait plus de ce petit jeu qu’elle trouvait plus que désagréable. Et puis, elle connaissait le gagnant au final, et ce serait Clyde, comme d’habitude. Il avait toujours le dernier mot. Elle n’était pas assez forte, elle ne s’en fichait pas suffisamment pour être aussi blessante que lui l’était avec elle. En plus, Clyde était flippant quand il se mettait vraiment en colère. Il n’avait qu’à péter un plomb pour la contrôler et il en avait sans doute pleinement conscience.

Jouant la carte de l’indifférence, elle rapatria son regard sur l’écran de la télévision. Plus les jours s’écoulaient, plus elle découvrait toutes les incompatibilités qui la séparaient de son fiancé. Ce crétin critiquait sa passion pour les films d’horreur en lui affirmant que ça ne la rendait pas mignonne. MIGNONNE. Mais c’était quoi ce mot à la con ? Elle faisait ce qu’elle voulait. Pour le bon plaisir de monsieur, elle devrait visionner des comédies romantiques aux fins plus rose bonbon les unes que les autres ? Mais qu’il aille se dégoter une Barbie encore bien naïve pour croire aux contes de fées, alors ! Elle, ça faisait longtemps que ça lui était passé. Et en habitant avec Clyde, ça n’avait rien arrangé. C’était de sa faute si elle n’était plus attendrie par un Hugh Grant déclarant sa flamme à une Julia Roberts devant toute une assemblée de journalistes. Elle avait bien saisi, merci, que ce genre de spectacles de niaiseries à vomir ne lui arriverait jamais, du moins tant qu’elle serait assez bête pour ne pas claquer la porte au nez de ce connard.

« Mais je t’en prie, barre-toi. » lui cracha-t-elle au visage, irritée.

Il vint s’asseoir à côté d’elle et lui arracha la télécommande des mains pour éteindre son programme de prédilection. Elle lui concocta un œil noir mais n’eut pas le temps de le montrer qu’il s’était mis à l’embrasser dans le cou. Sa main atterrit brutalement sur sa joue, et elle se redressa, debout sur le canapé, le foudroyant du regard. Elle était à bout de souffle tellement la rage envahissait tout son être. Lui et ses sautes d’humeur, il ne pensait qu’à ça ! Il ne pouvait pas la laisser tranquille trente secondes, il fallait qu’il la traite de tous les noms et la minute d’après c’était ‘chérie, allons au lit, tu veux ?’ Elle en avait marre, clairement, et cela se lisait partout sur son corps, de ses sourcils froncés et ses yeux plissés par la haine, à sa bouche tordue par le dégoût jusqu’à ses mains tendues par son animosité.

« NON MAIS TU ME PRENDS POUR QUI ? JE NE SUIS PAS TON JOUJOU, CLYDE. VA TE CHERCHER UNE CONNE DANS LA RUE, MAIS VIENS PAS ME FAIRE CE NUMÉRO-LÀ À MOI, MERDE ! » hurla-t-elle, retenant à peine sa fureur.

Elle descendit du canapé, furieuse, se précipita vers le fond de l’appartement en balançant une pile de papier par terre au passage, et alla s’enfermer dans la salle de bains. Elle ouvrit le robinet de la baignoire pour que le bruit d’eau couvre celui de ses pleurs. Elle était à bout de nerfs, et cela faisait maintenant bien trop longtemps qu’elle l’était.